Une explosion d’actes antisémites
Depuis le 7 octobre, nous assistons en France et dans le monde à une multiplication terrifiante d’actes antisémites : inscriptions taguées, insultes, agressions et profanations. Le 20 octobre, à Paris, un homme a incendié la porte d’entrée d’un couple d’octogénaires sur laquelle était accrochée une mezouzah. Depuis, nombreuses sont les personnes juives en France à avoir retiré de leur porte ce symbole de protection.
Le 30 octobre, au Daghestan, les rumeurs de l’atterrissage d’un avion israélien dans l’aéroport de la capitale ont provoqué une « chasse aux Juifs », des dizaines de personnes forçant les portes de l’aéroport et contrôlant des véhicules pendant plusieurs heures.
Le 3 novembre, à Avignon, un homme a été agressé dans la rue ; son agresseure a craché sur sa kippa quand celle-ci est tombée au sol.
Dans l’éducation nationale, des parentEs d’élèves conseillent à leurs enfants de taire leur judéité et font part aux personnelLEs de leur inquiétude que nos élèves de confession juive soient victimes de la haine antisémite au sein même de l’école. A l’université également, les étudiantEs juifVEs alertent sur une montée de l’antisémitisme, jusque dans les amphis, comme à Panthéon-Assas, où un enseignant a fait un salut nazi en cours et un autre a été suspendu pour avoir plaisanté sur les victimes du 7 octobre.
Regarder l’antisémitisme en face
Dans ce déferlement de haine et la cacophonie médiatique qui en résulte, avec son lot d’instrumentalisations et de récupérations, chacunE croit connaître et reconnaître les coupables, directEs ou indirectEs, mais personne ne regarde les victimes.
En tant qu’organisation antiraciste, ces actes nous révoltent et doivent nous révolter. Nous ne devons ni fermer les yeux ni minimiser leur gravité. L’antisémitisme en France n’est pas un phénomène nouveau ni marginal, il fait partie de l’histoire française depuis des siècles, il n’est pas apparu avec la création d’Israël.
Cette haine a ses principaux promoteurs à l’extrême-droite, mais il est naïf et dangereux de ne pas reconnaître qu’elle traverse toute la société, depuis des stéréotypes et des fantasmes conspirationnistes largement répandus, jusque dans des explosions de violence qui ne semblent jamais avoir de fin : la profanation du cimetière juif de Carpentras en 1990, la torture et le meurtre d’Ilan Halimi en 2006, le meurtre des trois élèves du collège Ozar Hatorah à Toulouse en 2012, la prise d’otages et l’exécution de quatre personnes juives à l’Hyper Cacher de Vincennes en 2015, les meurtres de Sarah Halimi en 2017 et de Mireille Knoll en 2018, etc.
Notre solidarité légitime avec le peuple palestinien dans sa lutte pour sa décolonisation, notre lutte contre le racisme anti-Arabes et l’islamophobie, notre lutte anticapitaliste : aucun de ces engagements ne saurait justifier ou excuser de relayer et de propager des stéréotypes judéophobes, de sous-estimer le sentiment de peur et de solitude des JuifVEs en France ces dernières semaines, ou encore de pratiquer le même type d’amalgames que nous combattons ailleurs.
Ainsi, l’injonction implicite ou explicite faite à toutEs les JuifVEs de la diaspora à se désolidariser de la politique israélienne à chaque résurgence de la guerre israélo-palestinienne est une assignation identitaire du même ordre que celle qui vise les MusulmanEs après chaque attentat islamiste. Une assignation que le gouvernement d’extrême-droite au pouvoir en Israël instrumentalise à son tour. Si la deuxième nous indigne ; la première doit nous indigner aussi.
La haine des JuifVEs et la haine des Arabes ont des mécanismes et des réalités communes, et d’autres qui leurs sont propres. Mais nous devons les considérer toutes les deux pour ce qu’elles sont : des idéologies racistes d’exclusion et de domination. Et c’est notre devoir de les combattre avec la même force.
Entrer en résistance
Pour cela, nous devons résister de toutes nos forces au projet de la droite et de l’extrême-droite qui consiste à isoler l’antisémitisme des autres racismes, voire à les opposer, et en définitive à diviser les oppriméEs pour mieux continuer leur oppression. Il faut non seulement dénoncer sans relâche les instrumentalisations, les amalgames et les récupérations, mais aussi démontrer notre solidarité pour toutes les victimes de racisme.
N’abandonnons pas l’initiative du terrain et de la rue aux organisations qui se revendiquent de « l’arc républicain », appellation totalement vide, d’autant plus quand elle prétend y inclure des partis d’extrême-droite héritiers de l’anti-dreyfusisme, du nazisme et du pétainisme.
Refusons toute complaisance ou indulgence envers tous propos et actes antisémites autour de nous, sur nos lieux de travail et dans les lieux de militantisme.
Nous exprimons notre solidarité et notre soutien aux JuifVEs de France et d’ailleurs, victimes de la haine antisémite.
Nous le redisons : l’antisémitisme est incompatible avec la lutte antiraciste et anticoloniale. Il est incompatible avec une paix juste et durable entre les IsraélienNEs et les PalestinienNEs.