Congrès 2024 | Des Assistant·Es d’Éducation aux Éducateu·RICEs scolaires

SUD éducation 13, comme sa Fédération, revendique depuis de nombreuses années la titularisation, sans condition de concours ni de nationalité, des AssistantEs d'Éducation. A la différence des autres non-titulairEs de l’Éducation, mais à l’instar des AESH, la titularisation des personnelLEs AED passe par la création d’un corps de fonctionnairEs qui n’existe pas encore. Mais au-delà de la seule question statutaire, c’est celle du métier en devenir d’AssistantEs d'Éducation qui doit être posée. La Fédération SUD éducation a depuis quelques années décidé de porter la création du métier d'ÉducateuRICE scolaire en remplacement de celui d’AED pour donner plus de relief à cette revendication tout en laissant en chantier la réflexion autour de ce projet. Or des avancées nouvelles en matière de conditions d’emplois des AED nous rapprochent de cet objectif et nous obligent à penser plus concrètement à ce que pourrait devenir le métier d'ÉducateuRICE scolaire.

Cette revendication d’un statut de fonctionnairE éducateuRICE scolaire est unique dans le paysage syndical. La CGT éducation qui est l’autre organisation à porter la titularisation des AED se contente de revendiquer la création d’un statut de fonctionnairE de catégorie B. La FSU quant à elle porte un projet bien moindre puisqu’il n’est aucunement question dans sa plateforme revendicative d’une quelconque titularisation. Le SNES se contente d’un retour au contrat de MI-SE antérieur à celui des AED et légèrement plus favorable.

Il ne s’agit pas là d’un impensé de la part du syndicat majoritaire, mais plutôt d’une revendication assumée comme telle. Une grande partie de la profession pense encore que la fonction d’AED ne peut pas conduire à un métier durable. Il ne s’agirait que d’un travail d’étudiantE préalable à l’intégration d’un autre corps de fonctionnairEs par le biais des concours internes. Plus encore, les tâches des AED, si elles ne sont pas nécessairement perçues comme dégradantes, ne sont pas jugées suffisamment valorisantes pour pouvoir constituer une véritable profession. Parfois même la titularisation potentielle des AED est perçue par une partie des CPE comme une potentielle concurrence ouvrant la brèche au dumping social dans leur corps de métier.

Cette vision condescendante est bien entendu celle de personnelLEs majoritairement enseignantEs et CPE et ne reflète en rien les préoccupations des AssistantEs d'Éducation. Elle repose en grande partie sur des considérations dépassées qui ne correspondent en rien avec le profil social désormais majoritaire dans les vies scolaires. Le profil type des AssistantEs d'Éducation aujourd’hui n’est plus celui de l’étudiantEs. Depuis plusieurs années, la fonction des AssistantEs d'Éducation est occupée par des collèguEs qui n’ont aucun plan de repli et qui sont souvent coupéEs de l’enseignement supérieur. Ainsi la fonction s’est en grande partie précarisée et l’on retrouve des AssistantEs d'Éducation bien plus âgéEs qu’il y a 10 ou 20 ans. C’est d’ailleurs le constat que fait l’Éducation Nationale elle-même dans son bilan social (la moyenne d’âge).

Cette position ne prend pas non plus en compte les évolutions en matière de pratiques professionnelles que vivent les AssistantEs d'Éducation. Si l’absence de fiche de poste et la flexibilité des missions des AED comme des MI-SE à l'époque a longtemps conduit à la dénomination péjorative du « pion », les AED d’aujourd’hui sont loin d’être cantonnéEs à des missions de surveillance. Il est de plus en plus courant que l’on attende des AED d’importants rôles éducatifs voire pédagogiques. Cela passe par la construction de projets au sein des établissements, la prise en charge de « devoirs faits » et même le suivi des classes et des élèvEs en collaboration avec les professeurEs principauxALES. Ces nouvelles missions sont désormais même de plus en plus exigées par les directions d’établissements et les CPE. Des responsabilités supplémentaires qui sont généralement bien accueillies par les AED ELLeux-mêmEs car elles leur donnent une place plus importante au sein du collectif éducatif sans pour autant qu’elles soient compensées en termes de rémunération ou de reconnaissance institutionnelle.

Depuis deux ans maintenant, ces réticences à défendre la titularisation des AED est vouée à devenir caduque. La possibilité pour les AED de voir leur contrat transformé en CDI au bout de 6 années d’activité, même si elle ne met pas fin à la précarité, change la donne puisqu’il est désormais possible en théorie d’effectuer toute une carrière en tant qu’AssistantE d’Education.

Pourtant si la fonction d’AED devient plus durable, elle ne se professionnalise pas pour autant. L’accès à la CDIsation nous oblige à penser de façon plus concrète ce que nous revendiquons pour les AED. En l’absence de réflexion et de projet plus précis, nous risquons de voir se multiplier les abus et les tentatives de mutualisation des moyens. La proposition de fusionner le statut des AED et des AESH en une seule nouvelle fonction en est tout à fait caractéristique et est perçue par les détracteuRICEs de la titularisation comme une conséquence néfaste de l’accès au CDI.

Comme nous l’avons brièvement évoqué plus haut, les missions des AED s’étoffent à bas bruit. Avec la numérisation d’une partie de leurs missions, elles glissent de plus en plus vers des tâches qui demandent des compétences psychosociales et éducatives élaborées, sans bénéficier de la moindre formation en la matière. Les AED se forment sur le tas puisqu’aucune formation ne leur est proposée contrairement aux autres catégories de personnelLEs. La formation des AED est encore bloquée aux gestes professionnels les plus basiques lors de la prise de fonction et correspond d’ailleurs plus à une adaptation au poste qu'à une quelconque formation professionnelle. C’est pourtant là un droit essentiel de tous les travailleurEUSEs.

La revendication de métier d'ÉducateuRICE scolaire peut ainsi se concevoir comme le projet de reconnaître les évolutions récentes des fonctions d’AED et l’expérience qu’iEls ont acquises tout en les enrichissant d’une formation ambitieuse. La référence au terme d'ÉducateuRICE, directement inspiré des métiers du médico-social, n’est pas anodine. Ainsi nous pourrions donner les moyens à la vie scolaire d’être ce qu’elle est censée être : un véritable pôle intermédiaire entre le pédagogique, l’éducatif, et le médico-social. Les EducateuRICEs scolaires seraient ainsi de véritables éducateuRICEs spécialisées de l’Éducation Nationale et la pierre angulaire de cette nouvelle vie-scolaire coordonnée par des CPE, des psy-EN, des InfirmierEs, et des AssistantEs socialEs, non pas comme chefFEs de service mais animateuRICEs d’équipe.

Le bénéfice pour les élèvEs et l’ensemble des personnelLEs du renfort d’une telle équipe de professionnelLEs est évident. Ce nouveau statut permettrait de prendre en responsabilité des thématiques très larges dont l’Education Nationale est de plus en plus en charge : lutte contre le harcèlement, prévention des risques, développement de l’empathie et des compétences psycho-sociales, décrochage scolaire et bien d’autres…

Autant de sujets qui sont aujourd’hui confiés à l’ensemble de la communauté éducative mais sur la base du volontariat et en plus de leurs missions habituelles. La création d’un métier d’EducateuRICEs spécialiséEs permettrait de prendre en charge des questions pour lesquelles iEls seraient forméEs et dont ce serait le cœur de métier. Cela passe évidemment par le renforcement des effectifs de cette nouvelle catégorie de professionnelLEs.

Précisons que conformément à nos orientations concernant l’inclusion scolaire, ce nouveau statut d’EducateuRICE spécialisée doit être différent de celui des AESH pour lequel il nous semble primordial de garder une spécificité. Les missions des ÉducateuRICEs spécialiséEs ne prendrait ainsi pas en charge les questions liées à l’accompagnement des situations de handicap, ce qui n’empêche par ailleurs nullement un travail en équipe pluri-professionnelle.

Concrètement, la création de ce nouveau statut pourrait se traduire par plusieurs parcours.

  • Pour cELLeux déjà en poste : la titularisation et l’intégration dans un nouveau corps de fonctionnairEs ÉducateuRICEs scolaires, la reconnaissance de l’expérience professionnelle équivalente à un bac+3 et la mise en place d’une formation effective pour compléter l’expérience acquise et pallier l’absence de formation initiale

  • Pour cELLeux qui ne sont pas encore en poste : la création d’un concours dédié et la mise en place d’une formation spécialisée.

  • Pour touTEs, la mise en place d’un programme de formation tout au long de la vie.

  • Pour tousTES, la mise en place une grille de salaire indexée sur celle du corps enseignant.

Cette revendication sur la création d’un statut de fonctionnairE d'ÉducateuRICE scolaire doit cependant être articulée avec des revendications immédiates pour les AED. Si la professionnalisation passe par la formation et la reconnaissance de l’expérience acquise, elle passe également par l’obtention de droits communs à l’ensemble des personnelLEs de l’Education. Cette nécessité se fait plus pressante avec l’obtention de la CDIsation. Ainsi si les AED peuvent désormais bénéficier d’un emploi tout au long de leur carrière il est indispensable qu’iEls obtiennent un certains nombres de droits : le droit à la mobilité, à un avancement de carrière et donc à une grille de rémunération, à une reconnaissance de l’expérience professionnelle, à un recrutement et à une gestion centralisée par l’administration de l’Education nationale, à un droit à la formation. Autant de zones grises et d’inégalités dont sont aujourd’hui victimes les AED et que nous pouvons commencer à combattre dès à présent.