Suite aux massacres et à la prise d’otagEs par le Hamas le 7 octobre 2023, le pouvoir d’extrême-droite israélien multiplie les meurtres et exactions en Cisjordanie, anéantit Gaza par ses bombardements et ses attaques terrestres, décime au fil des jours les infrastructures non militaires et les populations civiles. Des familles entières, les journalistEs, des membrEs d’ONG sont tuéEs. Des voix s’élèvent depuis des mois à l’ONU pour avertir des risques génocidaires, et l’arrêt rendu par la Cour internationale de justice a ordonné des mesures conservatoires en réponse à la plainte pour génocide déposée contre Israël par l’Afrique du Sud. Le lundi 25 mars 2024, pour la première fois depuis le début de la guerre, le conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution contraignante exigeant « un cessez-le feu humanitaire immédiat » temporaire menant à un « cessez-le-feu durable ». Israël n’a eu que faire de cette résolution comme de 90 autres précédentes depuis sa création, au mépris le plus total du droit international.
Le choc et la compassion légitimes ressentis après les massacres du 7 Octobre ont peut-être empêché le syndicat dans ses activités militantes pour soutenir la Palestine, la suspicion d'antisémitisme posée sur les soutiens palestiniens dans le cadrage médiatique dominant a pu freiner l'engagement de Sud éduc auprès des collectifs propalestiniens marseillais. Il nous incombe de faire notre autocritique notamment pour comprendre le peu de présence de Sud éduc 13 comme de Solidaires 13 lors des manifestations dominicales ou des actions BDS.
La compassion nécessaire envers les victimes israéliennes du 7 Octobre ne doit pas nous empêcher de chercher à comprendre ce qui se joue en Israël-Palestine. Il convient d'affirmer notre ligne anti-impérialiste et anti-coloniale pour penser le contexte politique et militaire dans son ensemble afin de pouvoir tenir une proposition politique opérante. La violence et la brutalité du 7 octobre ne doit pas oblitérer la nature coloniale du conflit qui oppose IsraélienNEs et PalestinienNEs. Ce sont les structures et les politiques coloniales, largement intensifiées par le gouvernement israélien ces derniers mois, qui produisent une violence systématique et quotidienne à l’encontre des PalestinienNEs. Celle-ci est irrémédiablement amenée à ricocher sur la population israélienne que le régime colonial enrôle dans la guerre et la colonisation.
En vertu des faits tragiques de ces derniers mois et de la paralysie du syndicat dans son traitement idéologique interne et dans les formes d'action de soutien qui auraient pu être menées, il nous importe de clarifier par ce texte la ligne qu'un syndicat antiraciste et anti-impérialiste doit être capable de tenir à l’égard de la situation dramatique en Israël-Palestine.
Le sionisme est un projet raciste, colonial et ethno-nationaliste, dont les liens structurants avec l’antisémitisme européen sont évidents depuis ses débuts puisque cette idéologie, bien que pour des raisons qui lui sont propres, satisfait une des exigences de la haine des JuifVEs partout où elle se manifeste : sortir les JuifVEs de la diaspora, les extraire des pays où iEls se trouvent. Rappelons aussi que la première et la plus vigoureuse opposition au sionisme dans la majeure partie du XXème siècle était juive – pour des motifs religieux, politiques, philosophiques. En plus de son alliance historique avec les impérialismes britannique puis américain, les liens que tissent depuis plusieurs années Israël avec les leaders les plus réactionnaires dont les idéologies fascistes sont largement empreintes d’antisémitisme – V. Orban, Javier Milei, Geert Wilders etc. – ne sont pas un hasard. Cette idéologie issue de l'Europe colonialiste et impérialiste, survenue comme une réponse juive à l'antisémitisme structurel qui a mené à la destruction des JuifVEs d'Europe, n'a pas résorbé le fléau qu'est l'antisémitisme mais a mené à l'émergence d'un nouveau type de colonialisme dont souffre le peuple palestinien depuis plus d'un siècle.
Il faut à tout prix soutenir toutes les organisations dénonçant le sionisme comme idéologie coloniale consacrant une souveraineté exclusivement juive en Palestine historique : il nous faut assumer une ligne antisioniste, défini avec Michèle Sibony (de l'Union Juive Français pour la Paix) comme le fait de : « refuser le nationalisme juif et le régime politique colonial qui s'établit en Palestine, défendre le droit au retour des réfugiéEs palestinienNEs, appeler à l'égalité entre JuifVEs israélienNEs et ArabEs palestinienNEs et à la fin du suprémacisme juif en Israël-Palestine ».
La présence juive en Palestine historique comme partout ailleurs n'est pas contestable, ce qui l'est en revanche ce sont les modalités colonialistes dans lesquelles elle s'est configurée sous égide sioniste. La fondation de l'État d'Israël en 1948 sous le patronage de l'Organisation des Nations (coloniales) Unies ne fonde aucune légitimité puisqu'elle s'opère par la Nakba, soit les massacres de civilEs, destructions de villages et expulsion de 800 000 PalestinienNEs loin de leurs terres. Sur de telles fondations, Anna Arendt avait prédit « une guerre tous les dix ans ». Elle ne s'était pas trompée, à ceci près que c'est la guerre permanente, il n'y a pas de répit. Une juste résistance palestinienne s'est organisée, et la société israélienne s'est barricadée derrière une technologie militaire de pointe arrosée de dollars américains. Les PalestinienNEs meurent à petit feu tout en cultivant un immense désir de revanche ; les IsraélienNEs s'enfoncent dans une société répressive et sécuritaire cimentée par le racisme anti-ArabEs. Les deux camps pleurent régulièrement leurs mortEs, mais la technologie israélienne financée par les puissances impérialistes crée une asymétrie qu'il serait honteux de ne pas souligner puisqu'entre 2000 et 2020 pour 1 IsraélienNE tuéE, 20 PalestinienNEs sont tuéEs. Souligner l'asymétrie ne s'apparente pas à un calcul macabre, il importe simplement de ne pas perdre de vue que la machine de guerre israélienne, l'occupation, l'apartheid, la répression coloniale, tue largement plus que la résistance qu'elle génère en retour.
Ne perdons donc pas de vue la dimension structurellement coloniale du conflit israélo-palestinien, liée à la forme coloniale que le sionisme comme idéologie suprémaciste a donné à l'État d'Israël. Ne perdons pas de vue parmi toutes les confusions savamment entretenues que le sionisme porte en lui un racisme aux pulsions impérialistes qu'il s'agit de combattre autant comme idéologie que dans ses effectuations politiques. L’objectif de paix révolutionnaire que notre syndicat doit défendre est celui d’un État commun, démocratique, fondé sur le respect des droits de chacun de ses citoyenNEs, et garantissant dignité et sécurité pour tous.
Par ailleurs il s'agit pour notre syndicat d'agir en France autant qu'il se peut et de contrer par tous les moyens les soutiens français au colonialisme israélien et la récupération instrumentale du conflit opérée par les forces réactionnaires et autoritaires de notre pays.
La répression aveugle qui s’abat sur la Palestine est visible aussi en France par la pénalisation de ses soutiens : amendes, gardes à vue, accusations d’apologie du terrorisme sont apparues d’emblée. Le soutien au peuple palestinien est suspecté d’être dangereux, haineux, antisémite et de promouvoir le terrorisme. C’est le mécanisme d’une essentialisation sordidement raciste. Sud éducation doit s’opposer à ces stigmatisations et appeler au respect des libertés fondamentales. Pourtant, ce soutien est d’autant plus légitime que c’est bien Israël qui ne respecte pas les nombreuses résolutions (pourtant contraignantes) de l’ONU depuis sa création et qui ne fait pourtant pas l’objet de sanctions internationales.
Cette répression apparait aussi dans des établissements scolaires où nos élèvEs peuvent être durement sanctionnéEs lorsqu’iEls taguent des drapeaux palestiniens, d’aucunEs les considèrent comme des ennemiEs de la République s’iEls expriment leur empathie pour la Palestine et leur inquiétude face aux discriminations grandissantes de l’État et de nombreux médias. Sud éducation rappelle son esprit critique, sa vigilance, réaffirme son droit au désaccord avec le gouvernement et le cadrage médiatique dominant.
Notre regard anticolonial doit nous permettre de critiquer la sommation à l'empathie avec l'hégémonie impérialiste au détriment de ses victimes. Notre regard anti-raciste et anti-fasciste doit nous permettre d'identifier le poison qu'instille ce mécanisme dans la pensée politique en France, dans les discours racistes et les propositions de lois fascisantes. L'islamophobie de plus en plus décomplexée de nombreux médias, les propos de plus en plus racistes entendus sur nos lieux de travail, la tentative de mise au pas de la jeunesse, des associations féministes, les articles nauséabonds de la loi immigration sont alimentéEs aussi par la minimisation des crimes en Palestine, l'injonction fascisante à la complaisance vis-à-vis de l'impérialisme sioniste et l' assimilation de toute opposition au terrorisme ou à ses soutiens.
Ainsi nous nous opposons à toutes les violences terroristes sur les populations palestiniennes et israéliennes et nous affirmons le soutien de principe de notre syndicat :
- À la lutte d'émancipation du peuple palestinien dans ses diverses modalités de lutte inhérentes à son droit à la résistance
- À toutes les initiatives soutenant la lutte palestinienne en France (de Ciné-Palestine à BDS en passant par les collectifs juifs décoloniaux comme Tsedek! et l'UJFP)
- À toutes les initiatives portées au sein du syndicat pour favoriser les liens entre nos militantEs et les associations de soutien à la Palestine
Propositions concrètes à court terme :
- Relayer systématiquement sur nos réseaux les appels d’Urgence Palestine Marseille
- Appeler nos adhérentEs à participer aux diverses actions
- Proposer au sein de Solidaires 13 d’appeler systématiquement aux actions d’Urgence Palestine
Proposition à moyen terme :
- Organisation d’une formation Palestine au sein de Solidaires 13 à la rentrée 2024