Congrès 2024 | Un syndicalisme contre le système raciste

SUD éducation 13 porte un syndicalisme en lutte contre le racisme, considéré comme une oppression systémique et institutionnelle. La lutte antiraciste, telle que nous la concevons, entend abolir les causes structurelles qui produisent et reproduisent la domination raciale dans notre société. Pour cela, il importe de ne pas réduire le racisme à un problème de morale et de préjugés individuels, de manque d’éducation ou de peurs irrationnelles, qu’un discours de morale universelle suffirait à dissiper. Le racisme est politique, l’antiracisme doit l’être aussi.

Le racisme a une histoire, une actualité, une cohérence et une diversité. Pour combattre le racisme comme projet politique, il est important d’abord de revendiquer un usage critique du mot “race”, au risque de ne pouvoir nommer ce que nous combattons. Si la race, au sens de l’idéologie raciste, comme hiérarchie biologique entre les groupes humains, n’existe pas, les conséquences de cette idéologie sont bien réelles, en termes d’inégalité et de violence. Parler de « race », c’est parler d’un rapport social, fondé sur une inégalité construite.

Le racisme est une des principales formes modernes de la domination, au côté et en lien étroit avec l’exploitation capitaliste et le patriarcat. Il est né dans les lois de « pureté de sang » et l’expulsion des JuifVEs et des MusulmanEs d’Espagne, dans l’esclavage et le commerce triangulaire, au rythme du feu des conquistadors et de toutes les armées coloniales qui se sont accaparées le monde, dans l’élaboration moderne du racisme dit « scientifique » et ses mutations plus récentes en racisme à fondement « culturel ».

Le racisme est une idéologie de hiérarchisation et de déshumanisation qui touche différemment les minorités racisées, c’est-à-dire assignées à un rang social inférieur en raison de l’origine, de la couleur de peau, de la nationalité, de la religion, de la « race », auxquelles sont attachés des préjugés tantôt communs, tantôt différents, mais toujours haineux, tel que le racisme anti-NoirEs, le racisme anti-AsiatiquEs, le racisme anti-ArabEs et l’islamophobie, le racisme anti-RomEs et l’antisémitisme. Ce dernier notamment est à la fois une matrice des racismes actuels et possède des spécificités qu’il faut connaître et reconnaître pour le combattre, avec d’autant plus d’urgence qu’il est devenu un angle mort de la lutte antiraciste.

Le racisme est une idéologie, mais qui a des conséquences réelles sur la vie des personnes racisées, que ce soit par les discriminations à l’emploi ou au logement, la ségrégation et la marginalisation géographique, la fabrique du « problème » de l’immigration, les humiliations scolaires, les violences policières, l’impunité des discours de haine, les accusations de “séparatisme” et les injonctions étatiques à l’assimilation, etc.

Ainsi, le racisme est aussi un projet institutionnel dans lequel l’État joue un rôle structurant. Sous couvert de « laïcité », de « valeurs républicaines » et d’« universalisme », les gouvernements récents et actuels poursuivent un même projet nationaliste et xénophobe d’exclusion et de négation de l’autre, y compris dans l’institution scolaire.

Le racisme d’État trouve depuis au moins vingt ans sa réalisation la plus évidente dans sa politique islamophobe. Depuis l’affaire de Creil en 1989, en passant par la loi de 2004, la circulaire Chatel de 2012, la circulaire sur l’abaya de 2023, la stigmatisation croissante des personnes portant le voile rappelle le rôle central de l’islamophobie dans la poussée fascisante actuelle : la haine d’une figure fantasmée et essentialisée du ou de la MusulmanE structure et renforce actuellement tous les autres racismes, car elle sert à relégitimer un récit nationaliste et suprémaciste blanc, dans la dénonciation permanente d’un péril intérieur et d’un danger de civilisation.

Ce racisme islamophobe, chaque jour plus étouffant et hostile dans l’école, se déploie au nom d’une instrumentalisation et d’un dévoiement du principe de laïcité. Toutes les attaques islamophobes récentes découlent de la loi de 2004 sur les signes religieux qui a entériné la rupture avec l’esprit de loi de 1905, en ouvrant la voie à une restriction sans borne de la liberté de conscience et de culte, à une discrimination ciblée des élèvEs musulmanEs ou supposéEs musulmanEs, mais aussi à une dérogation au principe d’impartialité et de neutralité des agentEs publiQUEs chargéEs d’appliquer la loi. SUD éducation 13 rappelle son orientation, adoptée en congrès en 2016, d’abrogation de la loi de 2004.

  • SUD Education 13 rappelle son opposition à la loi de 2004, une loi contraire à la laïcié et stigmatisante pour les élèves musulmanEs

1. L’école, une institution héritière du colonialisme dans le déni de son propre racisme

L’école contemporaine est héritière d’une obsession ancienne d’uniformisation culturelle et d’assimilation des élèvEs à une culture nationale unique, présente dès les lois Ferry à la fin du XIXe siècle. Cette obsession s’est trouvée historiquement à l’unisson avec le discours civilisateur qui a accompagné la colonisation française. On la retrouve aujourd’hui dans les discours sur le séparatisme scolaire qui ne cesse de désigner les élèvEs raciséEs et issuEs de l’immigration postcoloniale comme un ennemi de l’intérieur, un danger à surveiller, contrôler et soumettre. 

L’école française accepte et valorise certaines cultures - les cultures européennes ou occidentales - mais invisibilise, rejette et dévalorise celles notamment issues de ses anciennes colonies. Elle fait profession de vouloir les effacer ou de les exclure au nom de « valeurs de la république » à géométrie variable. Les élèvEs sont contraintEs d’abandonner leur singularité, leur langue maternelle qui les empêcherait d’apprendre correctement le français.

Ce dogme républicain s’appuie sur un déni puissant : dans le discours de l’institution scolaire, les discriminations raciales sont complètement étrangères à l’ordre scolaire lui-même, et ne sont que le fait d’élèvEs et de familles porteuses de préjugés et d’obscurantisme. A l’inverse, l’école prétend être « aveugle aux couleurs » (colorblind) et proclame une égalité déjà réalisée en son sein. Son discours antiraciste est toujours moral et individuel.

Ce déni empêche l’école de remplir son rôle de lutte contre les stéréotypes raciaux, et au contraire continue de les entretenir. Les stéréotypes négatifs sur les capacités académiques des élèvEs peuvent conduire à des attentes plus faibles de la part des enseignantEs, ce qui impacte directement leur trajectoire scolaire. La dévalorisation de leur culture et leur identité crée un sentiment de déconnexion avec l’école et génère une perte de confiance. Pourtant, la seule réponse de l’institution à l’échec scolaire est de l’individualiser et de l’ethniciser : les élèvEs portent individuellement la responsabilité de leur échec et il est en même temps justifié par une incompatibilité culturelle.

L’école devrait prendre en compte les fondements économiques de l'inégalité des chances : les choix budgétaires et idéologiques à la base de la précarisation de l’école et de la société. En niant son propre racisme, l’Éducation Nationale ne peut lutter contre la ségrégation sociale et ethno-raciale à l’origine des difficultés scolaires.

2. L’école, lieu de ségrégation raciale, sociale et géographique

L’école reproduit et amplifie les inégalités sociales et raciales tout au long de la scolarité

Dans les Bouches-du-Rhône, comme ailleurs, les dynamiques de séparations raciale et spatiale à l’école trouvent leur origine, d’une part, dans les politiques publiques de logement social et d’autre part dans les discriminations subies par les candidatEs avec un nom à consonance étrangère sur le marché du logement privé. Mais ce que l’on constate, c’est que les territoires scolaires ne font pas que reproduire cette discrimination spatiale, ils l’amplifient. Les conséquences ségrégatives ont été accentuées par les politiques d’assouplissement de la carte scolaire, par l’autonomisation des établissements, qui sont directement de la responsabilité de l’Etat, par les stratégies d’évitement des familles blanches et/ou de classe moyenne et supérieure, et par la différenciation de l’offre éducative au fil des « réformes » (Lycée Blanquer, Choc des savoirs, etc.) qui génèrent toujours moins de mixité sociale, toujours plus d’enseignement à deux vitesses.

En plus de subir une stigmatisation systémique, les élèvEs raciséEs des territoires ségrégués, dont Marseille est le symbole le plus saisissant, pâtissent d’une perte de chance de réussir dès l’entrée à la maternelle. Dans les écoles, les enseignantEs sont souvent peu expérimentéEs, le recours à des non-titulairEs est plus fréquent, il manque chroniquement des professeurEs remplaçantEs, ce qui implique une perte importante d’heures d’enseignement pour les élèvEs. Les médecins, les infirmierEs et psychologuEs scolaires, les assitantEs sociauxALES doivent se charger de milliers d’élèvEs, empêchant un suivi effectif. Les conditions matérielles y sont précaires, parfois sans électricité, sans chauffage, sans sanitaires, etc. Des élèvEs se retrouvent à étudier dans des préfabriqués censés être temporaires pendant plusieurs années. Préfabriqués dans lesquels les enfants souffrent du froid l’hiver et croulent sous une chaleur accablante l’été. Les élèvEs reconnuEs comme ayant droit à un accompagnement du fait de leur handicap ne le sont que quelques heures par semaine, voire pas du tout, du fait du manque d’AESH. La liste pourrait être malheureusement beaucoup plus longue.

Plus tard dans la scolarité, la mécanique institutionnelle poursuit le tri social et racial. Alors que de nombreux travaux attestent des fortes aspirations de la part des enfants d’immigréEs et de leur famille en ce qui concerne leur avenir professionnel, ces jeunEs sont surreprésentéEs dans les classes SEGPA et les voies professionnelles, non par choix mais par contrainte. A niveau scolaire équivalent, les enseignantEs tendent à proposer une orientation moins favorable aux élèvEs issuEs de milieux défavorisés – et notamment de familles immigrées.

Enfin, la mise en place de la plateforme Parcoursup a accentué le tri social et ethno-racial dans l’accès aux études supérieures. Désormais, le bac ne suffit plus à garantir l’obtention d’une place dans un cycle supérieur. Les places manquent dans les universités, et l’État ne fait rien pour combler ce manque et au contraire l’organise savamment en expliquant qu’il faut en finir avec « le mythe de l’université pour tous » (Macron, 2017), et réaffirme une procédure élitiste et « méritocratique » de sélection. Méritocratie que l’on sait depuis longtemps chimérique et qui met sur le banc de touche les élèvEs issuEs de lycées des territoires ségrégués. Parcoursup ne corrige donc pas les inégalités mais au contraire les creuse en se proposant d’être un outil gestionnaire et comptable d’une pénurie organisée.

Ce décalage entre les aspirations et le désir de mobilité sociale et la réalité d’assignation à résidence sociale provoque un réel sentiment d’injustice chez les collégienNEs et lycéenNEs raciséEs.

SUD éducation 13 revendique :

  • L’application d’une carte scolaire qui favorise vraiment la mixité sociale et ethno-raciale sans possibilité de contournement

  • La fin du financement public de l’école privée

  • La suppression de Parcoursup et un investissement massif dans l’enseignement supérieur et la création de places supplémentaires dans les filières en tension.

Les conditions de scolarisation des élèvEs allophones nouvellement arrivéEs (EANA), révélatrices du racisme institutionnel de l’école

De l'école maternelle au lycée, à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, les conditions de scolarisation des élèvEs allophones nouvellement arrivéEs (EANA) sont fortement dégradées, allant jusqu'à contrevenir aux principes fondamentaux de notre école publique : le droit à la scolarisation des enfants, l'égalité de traitement ou encore l'inclusion.

Aujourd’hui, dans les Bouches-du-Rhône, la DSDEN ne remplit pas sa mission de scolarisation des EANA, dont le droit n’est pas respecté. Le délai moyen d’affectation des élèvEs est de 6 mois, alors qu’il est de 2 mois ailleurs en France.  De plus, au moment de l’inscription, là où certaines académies ou mairies ont un protocole qui permet d’inscrire les élèvEs dans les écoles où iEls pourront bénéficier d’une Unité Pédagogique pour les Élèves Allophones Arrivants (UPE2A), dans notre département, iEls sont inscritEs dans leur école de secteur sans aucune garantie de l'existence d’un dispositif. Et pour les enseignantEs spécialiséEs, la norme est donc l’itinérance dans 3, 4, 5 et jusqu’à 8 écoles pour couvrir les besoins. Ainsi, selon le collectif intersyndical des enseignantEs d’UPE2A, seulEs 9% des élèvEs bénéficient des 9h d’enseignement spécialisé par semaine auxquelles iEls ont droit, quand iEls ont accès au dispositif tout court. Pour répondre à sa propre défaillance, depuis la rentrée 2023, la DSDEN a trouvé la pire solution : les élèvEs évaluéEs avec un niveau A2 sont désormais affectéEs en classe ordinaire au lieu d’intégrer l’UPE2A. D’enfants en difficulté, iEls deviennent aussi des enfants isoléEs et invisibiliséEs.

L’inégalité de traitement entre les élèvEs allophones et les autrEs est le produit d’une indifférence pour leurs conditions d’apprentissage, mêlant arbitraire, négligence et sous-dotation chronique des moyens humains et financiers de gestion. Elle traduit finalement la même volonté xénophobe et raciste que dans les autres institutions de l’État de maintenir les étrangerEs aux marges de la société. Dans le 1er degré, seules 30% des UPE2A ont une salle de classe attribuée, 45% ont une salle partagée et 25% n’ont pas de salle : les cours se font dans les couloirs, à la bibliothèque, en salle des maitreSSEs, etc. Dans le 2nd degré, le tri social et racial est aussi flagrant : à Marseille, au lycée, il n’existe que deux UPE2A dans les lycées généraux et technologiques (LGT), toutes les 18 autres sont rattachées à un lycée professionnel (LP). Autrement dit, les EANA de 16 ans et plus n’ont pas le choix dans leur orientation  : soit le LP, soit la classe ordinaire en LGT. Cette contrainte s’est aggravée par la suppression, dans notre académie, de la bonification Affelnet dont les élèvEs disposaient jusqu’ici.

Enfin, la scolarisation des EANA est à considérer globalement comme un enjeu de l’école inclusive. La situation dans les lycées professionnels est la plus alarmante : créées après une mobilisation importante en 2018, les UPE2A-LP ont comblé un manque, mais ne permettent pas une vraie inclusion scolaire. Ce sont des classes de 24 élèvEs, à temps plein avec leur enseignantE spécialiséE, très hétérogènes (des  élèvEs non scolariséEs antérieurement, d’autrEs de niveau B1 mais aussi d’autrEs qui n’ont pas eu d’orientation), qui ne bénéficient donc ni des enseignements généraux ni des professionnels.

En principe, les EANA sont des élèvEs à besoins éducatifs particuliers, mais iEls ne sont pas traitéEs comme telLEs. Au-delà du lycée professionnel, quel que soit le niveau de scolarité, la condition d’élèvE allophone occulte bien souvent les troubles de l’apprentissage quand ils existent, qui se trouvent invisibilisés ou, quand ils sont repérés, se heurtent au fait qu’il n’existe pas de prise en charge spécifique pour les EANA en situation de handicap, en UPE2A comme en ULIS. 

SUD éducation 13 réaffirme les orientations fédérales adoptées en congrès en 2022 et revendique : 

  • La création de classes UPE2A dans tous les établissements du secondaire et une affectation en école primaire qui limite l’itinérance des enseignantEs à deux écoles maximum, dans le respect de la carte scolaire

  • Une limite des effectifs de classe à 15 élèvEs

  • Dans le 1er degré, l’alignement du budget pour Marseille sur des villes comparables (500€ par enseignantE par an, au lieu des 90€ actuels)

  • Dans le 2nd degré, l’affectation d’unE AssistantE Pédagogique de droit pour chaque UPE2A

  • En lycée professionnel, que les EANA soient aussi inscritEs dans une classe ordinaire et dans les formations professionnelles, et qu’iEls bénéficient du même nombre d’heures d’enseignement que les autres élèvEs, pour mettre fin aux UPE2A sans inclusion

  • Le retour de la bonification Affelnet pour les élèvEs d’UPE2A, au même titre que les autres élèvEs à besoins éducatifs particuliers

  • Un remaniement complet du CASNAV d’Aix-Marseille pour qu’il remplisse à nouveau sa mission de formation des enseignantEs spécialiséEs

  • Étendre les revendications au-delà des élèves nouvellement arrivéEs : pour la création d’une unité pédagogique pour les élèves allophones non conditionnée au lieu de naissance de l’enfant d’une part et mise en place dès la maternelle d’autre part

3. Pour une pédagogie antiraciste émancipatrice

A SUD éducation 13 nous estimons que l’école ne doit pas être une machine à fabriquer des travailleurEUSEs vouéEs à être intégréEs et adaptéEs au marché du travail. Nous voulons œuvrer pour une école où le savoir est émancipateur, une école de la transformation sociale et non de la reproduction des inégalités. L’école doit prendre en compte les individualités et le parcours de chacunE de nos élèvEs, et pour cela nous encourageons nos collèguEs à se saisir des outils de la pédagogie antiraciste émancipatrice développés depuis plusieurs années par SUD éducation 93. Une telle pédagogie travaille par exemple à montrer une représentation positive et valorisante de la diversité ethno-raciale.

Une telle pédagogie appelle aussi à s’interroger sur le rapport social et racial entre leA pédagoguE et les élèvEs, en particulier dans les écoles où les élèves sont majoritairement raciséEs et les professeurEs majoritairement blancHEs. Est-il possible de  faire abstraction des rapports de classe et de race dans la mise en œuvre du contenu de l’enseignement, des méthodes mobilisées, des évaluations mises en œuvre ou encore des devoirs demandés ?

ChacunE d’entre nous, personnelLEs de l’éducation, peut et doit s’engager, quelle que soit sa position dans ce rapport social. Ne pas se poser ces questions, revient à tomber dans les écueils actuels de l'ethnicisation des difficultés scolaires, où la responsabilité est individuelle, mais les justifications culturalistes.

Nous ne pouvons attendre de l’institution qu’elle donne à ses personnelLEs des outils pour lutter contre un phénomène dont elle nie l’existence. Le syndicat joue un rôle formateur et auto-formateur dans ce travail pédagogique.

4. La lutte antiraciste, un combat pour l’égalité entre les personnel·LEs et dans la société

La titularisation, enjeu de la lutte antiraciste

Depuis la loi du 26 juillet 1991, les ressortissantEs de l’Union Européenne ont accès aux concours de la fonction publique et à la titularisation, mais cette possibilité reste fermée aux autres personnes étrangères, notamment cELLeux qui sont issuEs des anciennes colonies françaises.

Même partielle, cette clause de nationalité est injustifiée et xénophobe. Elle a des effets concrets sur les personnes étrangères travaillant dans l’Éducation Nationale puisqu’elle les maintient dans la précarité sur la seule base de la nationalité. Elle renforce aussi les stéréotypes visant les étrangerEs en leur réservant les emplois les moins valorisés socialement et par l’institution, pour lesquelLEs il n’existe pas de statut (AED, AESH). A l’inverse, SUD éducation revendique un principe simple : nous faisons le même métier, nous devons avoir les mêmes droits et le même statut.

La titularisation de tous les personnelLEs contractuelLEs est un enjeu de la lutte antiraciste, autant qu’une question d’égalité sociale et de genre. Les professions les plus précaires sont aussi celles qui emploient davantage de personnes non-blanches, femmes (92% des AESH), et issuEs de milieu populaire par rapport aux autres corps de métier. L’infantilisation, la dévalorisation et le mépris pour les précairEs trouvent leur appui sur les dominations combinées de race, de genre et de classe qui s’exercent sur ces personnelLEs.

Pressions hiérarchiques, management autoritaire, chantage au non-renouvellement, licenciement, temps partiel forcé (pour les AESH), non-respect des missions : c’est au quotidien tout un arsenal d’arbitraire qui s’abat en permanence sur les personnelLEs contractuelLEs et les empêche de faire valoir leurs droits quand ils ne sont pas respectés, notamment par l’engagement syndical.

Enfin, la précarité expose davantage les agentEs aux discriminations raciales. En principe, le mode de recrutement par concours et les règles d’avancement des titulairEs sont censéEs limiter les discriminations visant les (futurEs) agentEs. Mais, d’abord, la défense de ce modèle doit se faire avec une distance critique pour ne pas verser dans la mythologie méritocratique et égalitaire du concours. En effet, 21% des candidatEs étrangerEs estiment avoir été discriminéEs lors des épreuves orales des concours administratifs, contre 3% des candidatEs françaisEs (Défenseur des droits, 2015).

Ensuite, la contractualisation croissante des métiers de l’école publique ne peut qu’accroître à son tour les risques de discrimination, à l’embauche, dans l’affectation ou encore dans l’avancement, qui est conditionné aux évaluations professionnelles.

Pourtant, le ministère de l’éducation non seulement entretient le déni du racisme, mais de plus organise sa propre impuissance à lutter contre lui en choisissant, comme d’autres administrations, de ne pas mesurer les violences racistes ou bien de les mesurer mal. Par exemple, l’absence de mesure statistique des discriminations raciales (comme on le fait pour celles de genre) permettrait de rendre visibles des violences qui ne le sont pas encore suffisamment, car il faut “compter pour combattre” (Patrick Simon).

Ainsi, SUD éducation 13 revendique :

  • la titularisation immédiate de touTEs les personnelLEs contractuelLEs de l’Éducation Nationale (enseignantEs, CPE, AED, AESH, personnelLEs administratifVEs), sans condition de concours, d’ancienneté ni de nationalité

  • l’abolition de la clause de nationalité et l’ouverture des concours de la fonction publique sans condition de nationalité

Quels outils syndicaux pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme ?

Pour SUD éducation 13, l’action syndicale se doit d’exploiter toutes les ressources à notre disposition dans la construction du rapport de force avec l'institution. Cette action a plusieurs objectifs : défendre toutEs les membrEs de la communauté éducative contre les violences racistes, lutter contre l’isolement des personnelLEs raciséEs sur leurs lieux de travail et de militantisme, participer au combat égalitaire et émancipateur contre le racisme et l’antisémitisme dans toute la société.

Tout d’abord, pour agir syndicalement contre les violences racistes, il faut pouvoir les identifier et les qualifier, y compris juridiquement. Le droit français reconnaît notamment :

  • Les discriminations, notamment celles fondées sur l’origine, le lieu de résidence et l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion, qui sont prohibées par loi n°2008-496 du 27 mai 2008 (art. 1) et par le Code général de la fonction publique (art. L131-1)

  • Le harcèlement discriminatoire (loi n°2008-496, art. 1), qui recouvre tout comportement qui porte « atteinte à la dignité d’une personne » et crée « un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant », même sans répétition ni intention de nuire : les propos, y compris sous couvert d’humour, fondés sur des stéréotypes racistes (injures, reproches infondés, accusations mensongères), le changement d’affectation, la surcharge de travail ou au contraire le retrait de certaines missions, l’attribution de travail inutile ou sans lien avec ses compétences, la fixation d’objectifs irréalisables, la mise à l’écart du collectif, etc.

  • La provocation à la haine, à la discrimination ou la violence raciales, contre une personne ou un groupe de personnes, « en raison de leur religion, de leur origine nationale ou ethnique », que cette incitation soit publique ou privée, constituée comme délit par la loi Pleven du 1er juillet 1972

Il faut également rappeler que depuis 2001 (et 2008 dans la fonction publique), la charge de la preuve devant les juridictions civiles, administratives et prud’homales en matière de discrimination a été aménagée : désormais la victime n’est tenue d’apporter que des indices de traitement inégalitaire et c’est à la personne ou l’institution mise en cause de prouver que cette inégalité est justifiée par des causes objectives et proportionnées (comme l’ancienneté, etc.), et qu’il n’y a donc pas de discrimination.

Cependant, si le syndicat ne néglige pas les voies administratives (registre RSST, signalement au rectorat, saisine du tribunal administratif et de la Défenseure des droits, demande de protection fonctionnelle), l’action syndicale ne peut se limiter au terrain juridique et individuel.

En effet, les violences racistes sont toujours difficiles à prouver, d’autant plus dans l’institution scolaire dont le dogme républicain “universaliste” a pour fonction de la blanchir de toute oppression raciste et de dépolitiser le racisme. De plus, le droit est largement en retard sur notre connaissance du racisme, en particulier son caractère systémique.

SUD éducation 13 réaffirme donc qu’à un racisme politique doit répondre un antiracisme politique. En ce sens, le syndicat est à la fois un outil de solidarité pour combattre l’isolement des personnelLEs raciséEs, et un outil de formation, de débat et d’action pour promouvoir et revendiquer un antiracisme intersectionnel et décolonial, face au racisme d’État.

En tant qu’oppression systémique, le racisme traverse aussi bien l’école que la société, et les syndicats n’en sont pas exempts. Le discours antiraciste doit être suivi d’effets concrets : il implique de réfléchir et d’agir sur la place et le rôle de la “majorité blanche”, terme qui ne désigne pas seulement un nombre, mais aussi la position dominante et les privilèges dans le rapport social de race. Cela implique donc d’identifier et de prévenir les mécanismes de domination et d’exclusion qui peuvent se reproduire à l’intérieur du syndicat, contre des personnes, mais aussi plus globalement dans une hiérarchisation délétère des luttes.

Pour mettre l’antiracisme au cœur de son syndicalisme, SUD éducation 13 acte dans son congrès la création d’une Commission antiraciste, pour contribuer à l’accompagnement et à la défense des personnelLEs victimes de violences racistes, pour organiser des formations syndicales régulières sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, tant sur le plan de l’action syndicale que de la pédagogie, et pour ouvrir un lieu de parole, d’expression et d’élaboration de campagnes syndicales.

Mais la création d’une telle commission ne doit pas masquer le fait que l’antiracisme est l’affaire de touTEs : le vécu, le savoir et le regard des personnes racisées est le point de départ de toute action, mais c’est un combat qui se mène avec le concours de touTEs, car c’est un combat pour l’égalité.