Déconnexion & télétravail : loading, please wait… – Groupe de travail de la F3SCT académique

L’explosion de l’usage des outils numériques et plus récemment, la période de la crise sanitaire du COVID 19, ont profondément impactés nos conditions de travail. Face à ces changements importants, le droit du travail évoluent lentement et plus particulièrement dans la Fonction Publique où le cadre réglementaire reste à définir. Ces questions sont depuis peu évoquées au niveau ministériel au sein de l’Éducation nationale et sont peu à peu déclinées au niveau académique. Dans le cadre d’un groupe de travail (GT) du CSA académique réclamé par les représentant-es de SUD éducation, l’administration a présenté ses différents projets. L’occasion pour les syndicats SUD éducation de l’académie de porter leurs revendications et de faire le point sur la situation. 


Ce GT en deux temps à été le cadre d’échange d’abord autour de la mise en place du télétravail dans l’académie puis de l’application effective du droit à la déconnexion.

Télétravail : un nouveau droit qui tarde à se mettre en place.

La pandémie de COVID-19 a banalisé dans le privé le recours au télétravail. Dans le secteur public, cette modalité de travail commence également à se mettre en place. Rendue possible par décret en 2021, elle n’est cependant toujours pas possible dans l’Éducation Nationale. Le Groupe du Travail académique du 12 octobre 2023 avait justement pour objectif de réfléchir à sa mise en place concrète pour Aix-Marseille.

Le projet académique présenté par les membres de l’administration reprend en grande partie les dispositions de l’accord cadre conclu par les organisations syndicales et le ministère de l’Éducation Nationale (SUD éducation n’était pas représentatif à cette époque et n’a donc pas participé aux échanges).

Rappelons-le d’emblée, ce projet ne concerne pas tous les agentEs de l’Éducation Nationale mais seulement les personnels administratifs exerçant dans des établissements du secondaire. Ce droit est déjà mis en place pour les personnels administratifs exerçant directement pour l’Éducation Nationale dans les DSDEN ou le Rectorat.

Télétravail : de quoi parle-t-on ? 

Par télétravail, il ne faut pas entendre tout ce qui touche à la question du travail à distance. Le cadre du télétravail évoqué dans ce GT est celui de l’accord cadre national (lien du document accord-cadre), et fait référence à la demande faite par unE agentE d’effectuer tout ou partie de ses missions à son domicile et non sur son lieu d’affectation. De façon plus concrète, les personnels administratifs qui en feront la demande pourront bénéficier sous certaines conditions de la possibilité de télétravailler, soit de façon régulière, soit de façon fixe et selon différentes modalités au cours de l’année scolaire. Des modalités qui doivent être mis en place après accord du/de la cheffE d'Établissement et qui peuvent varier en fonction des situations et des projets des agentEs. Tout cela c’est la théorie, la réalité est complexe.

De nombreux obstacles empêchent une mise en place concrète.

Si l’accord a été signé en 2021, le droit au télétravail n’est toujours pas effectif pour de nombreux agentEs de l’Education Nationale en 2023. Parmi les nombreux obstacles qui empêchent sa mise en application, c’est la question du matériel qui pose le plus de difficultés. Qui dit télétravail, dit forcément ordinateur, connexion internet, mise en réseau, téléphone professionnel. Or depuis la décentralisation des compétences d’éducation ce sont les collectivités territoriales qui sont chargées de l’équipement des écoles et des établissements. Mais le moins que l’on puisse dire c’est que ces collectivités ne sont vraiment pas enclines à fournir, à des agentEs qui relèvent d’une autre autorité que la leur, l’équipement nécessaire. Même si l’administration nous a garanti que le Recteur de l’académie d’Aix-Marseille était en discussion avec les collectivités locales, cette question risque de rester en suspens pendant longtemps et l’Education Nationale ne bénéficie pas pour l’instant des lignes de crédit nécessaires pour fournir ce matériel. Tout cela sans évoquer la question de la mise en réseau et de la connexion internet. Le droit se confronte une nouvelle fois à l’absence de moyens dédiés à sa mise en place et SUD éducation n’a pas manqué de le rappeler.

Des garanties à obtenir pour l’application effective de ce droit. 

Les syndicats SUD éducation militent pour le recrutement de davantage de personnels dans les établissements. Ceci étant dit, la question du télétravail peut s’avérer être un droit important pour les personnels qui en ressentent le besoin et en font la demande. Cependant en l’état actuel des choses, les garanties qui permettent l’application effective de cette disposition sont loin d’être en place. En effet l’autre obstacle de taille est celui de la nécessité d’un accord préalable des personnels de direction à la mise en place du télétravail. Comme pour beaucoup de dispositions, l’avis du chef d’établissement est important et celui ou celle-ci peut se retrancher derrière la “nécessité de service” pour s’y opposer. Dans le contexte de non-remplacement et d’explosion des missions, il y a fort à parier que le premier réflexe des chef-fes d’établissements sera le refus. Il est donc indispensable que les textes prévoient des contraintes afin de faire respecter le droit. Puisque l’administration a volontiers comparé la procédure avec celle des temps-partiels, SUD éducation a défendu que soit catégorisée des situations pour lesquelles les autorisations deviennent “de droit” et ne peuvent donc pas se voir opposer de refus. Sans rentrer dans les détails de la procédure précisée au paragraphe 5 de l’accord cadre (lien), le document de référence fait déjà la liste de situations identifiées comme prioritaires sur lesquelles il serait tout à fait possible de s’appuyer.

Des limites à fixer au télétravail

Si le télétravail peut représenter une solution pour certains agent-es, les risques qu’il fait peser sur les conditions de travail et la santé des personnels sont potentiellement très importants. L’expérience de la pandémie montre justement qu’il est parfois extrêmement difficile d’établir des limites entre le personnel et le professionnel puisque par définition le télétravail abolit les frontières entre ces différentes sphères de la vie. La question de l’encadrement de ce travail à distance tout comme celle des outils à la disposition des agent-es est donc centrale. C’est ce que tente de clarifier, en vain pour le moment, les réflexion autour du droit à la déconnexion.

Le droit à la déconnexion

C’était justement le sujet de la deuxième partie de ce GT. Maigre avancée dans un océan de reculs sociaux, le droit à la déconnexion nous vient de la Loi Travail de 2016. Sept ans après, toujours rien pour ainsi dire dans l’Éducation Nationale. A l’occasion de ce groupe de travail, l’administration s’est contentée de présenter à titre d’exemple, plusieurs modèles de “Charte du droit à la déconnexion” emprunté à certaines académies ou universités.

La nécessité de dispositions contraignantes

SUD éducation a d’emblée fait remarquer à l’administration le caractère non-contraignant des textes présentés comme le laisse entendre lui-même le terme de charte systématiquement utilisé. Les différents documents présentés ont tous pour point commun d’être extrêmement floues et ambiguës sur de nombreux points. Tout au plus, ils se contentent d’être une énumération de conseils et de bonnes pratiques qui placent au même degré de responsabilité employeur et employé: “il convient de faire ceci, il faut éviter de faire cela…”

SUD éducation refuse catégoriquement cette vision de la prévention selon laquelle l’agent apparaît comme le principal acteur de sa santé et de sa sécurité au travail. Au contraire, SUD éducation a rappelé que c’était à l’employeur d’assurer la protection des agents et que c’était même là une de ses premières obligations. Comme les bonnes intentions ne valent pas grand chose, il est indispensable que ce droit à la déconnexion soit plus contraignant, par l’établissement de règles et d’outils qui en permettent un usage effectif.

Borner le temps de travail à distance. 

Pour illustrer ce propos, SUD éducation a par exemple pointé du doigt le flou qui entoure les bornes temporaires qui encadre le droit à la déconnexion. Les différents textes présentés se contentent tous d’indiquer que le droit à la déconnexion s’applique en dehors du temps de service de l’agent-e. Si pour certaines catégories de personnels, cette temporalité est plutôt facile à définir, qu’en est-il pour d’autres comme par exemple les personnels enseignant-es ? SUD éducation a donc insisté pour qu’un bornage plus clair soit fixé dans les textes.

La question des outils numériques

Il convient également de mener une réflexion sur les outils utilisés et sur l’information à faire passer aux agent-Es en matière de droit à la déconnexion. S’il est important de bien informer et former les agent-Es aux usages du numérique, il revient également à l’employeur et aux différents chefs de service de limiter l’usage de certains outils et d’en  proscrire d’autres.

La recrudescence de l’utilisation par exemple de groupes Whatsapp dans les vie-scolaire sur les téléphones personnels des AED en lieu et place de véritables outils professionnels est un vrai danger pour la santé au travail et favorise de nombreux abus.

Enfin pourquoi ne pas envisager une limitation de l’usage des outils numérique en rendant techniquement leur utilisation impossible durant certaines périodes ou à partir d’une certaine heure ? C’est un moyen très concret de limiter le temps de travail numérique des agent-es sans les obliger à poursuivre leur mission sur leur temps personnel pour parvenir à les mener à bien.

Pas de réflexion sur le numérique sans réflexion sur les conditions de travail

Rappelons-le, la problématique du droit à la déconnexion et du télétravail a émergé avec l’explosion de l’usage professionnel du numérique dans le monde du travail. L’éducation Nationale n’échappe pas à la règle et quelques soient nos métiers, nous y sommes toutes et tous davantage confrontés. Mais pour autant, limiter la réflexion au seul usage du numérique n’a que peu de sens. Ce n’est pas le numérique en soi qui est un risque pour la santé des agents, mais plutôt sa mise en corrélation avec l'augmentation de la charge de travail. Le numérique est dangereux lorsqu’il permet à l’employeur par de nouveaux procédés et de nouveaux dispositifs techniques de demander, souvent de façon pernicieuse, davantage de travail aux agent-Es que nous sommes. SUD éducation l’a rappelé, la réflexion autour de l’usage du numérique et du droit à la déconnexion, ne peut se faire sans réflexion globale sur les conditions de travail, ce qui dans ce groupe de travail n’a manifestement pas été le cas.