Une situation actuelle aggravée…
Depuis la rentrée de septembre 2024, la ville de Marseille a connu plusieurs incidents graves dans et aux abords de certains établissements scolaires. Des intimidations, des actes violents, des mises en danger d'élèves et de personnels ont eu lieu, pour certaines liées au trafic de stupéfiants mais pas seulement. Ce fut notamment le cas au collège Mallarmé, au lycée Saint Exupéry, mais aussi très récemment au lycée de la Floride et à la Calade.
SUD éducation 13, comme d'autres organisations syndicales, s'est engagé fortement auprès des équipes concernées dès que celles-ci ont eu besoin d'un soutien syndical et a agit pour que soit assurée la mise en sécurité des personnels et des élèves.
Pour autant, nous refusons de porter une analyse purement sensationnaliste et sécuritaire sur ces évènements. Des évènements qui sont certes extrêmement graves, mais qui ne peuvent pas être réduits à de simples faits divers. Prendre l’école pour cible ou y faire rentrer la violence d’une façon ou d’une autre, est une chose loin d’être anodine qui doit nous conduire à une réflexion qui va bien au-delà du répressif. Il s’agit là de véritables faits sociaux bien plus larges, structurels voire systémiques dans des territoires urbains (ou ruraux) délaissés par un État qui abandonne des quartiers, des jeunes, des familles parmi les plus vulnérables.
Et pourtant, la réponse à cette violence est invariablement la même:
- Les discours stigmatisants passent sous silence le fait que les premières victimes sont les habitantEs des quartiers populaires elleux-mêmes.
- les actions médiatiques, les coups d’éclats comme les opérations “XXL” menées récemment dans plusieurs quartiers de la ville.
Il faudrait toujours plus de répression pour venir à bout de cette violence. Pourtant ces dizaines d’années de politiques sécuritaires ont-elle obtenu des résultats sur le long terme ? Tout montre que non. Face à des problèmes de fond, il faut des solutions de fond, sans quoi, le cycle de la violence est vouée à se reproduire indéfiniment.
... installée depuis longtemps et sans réponse de fond !
Dans les quartiers prioritaires, l’absence d'égalité et d'équité au quotidien empêche toute perspective. Les élèves en sont conscientEs et ne croient pas à l'école comme outil d'émancipation car elle n'est plus une alternative à la réalité de la violence sociale qu'ils-elles vivent. CertainEs élèves peuvent nous dire qu'ils-elles sont attiréEs par le trafic. Ils et elles perçoivent parfois cela comme un marché du travail "facile", une source de revenus qui serait une alternative aux salaires bas et aux métiers/orientations forcées qui leur sont proposés au sein de l'institution scolaire.
D’un autre côté, l'abandon des quartiers prioritaires par la politique de la ville s'accompagne d'une inaccessibilité à des logements décents, aux transports publics, à la médecine de proximité, aux services sociaux, à la justice... bref, à tous les services publics de manière générale! Et c'est bien cela qui aggrave l'isolement et la précarité des personnes qui vivent dans ces quartiers. Bien souvent, l'école reste le dernier service public présent localement et c’est aussi pour cela qu’il est parfois pris pour cible.
Et que dire de la ségrégation dans les quartiers prioritaires de Marseille qui a été accentuée par les politiques d’assouplissement de la carte scolaire, par l’autonomisation des établissements, par le poids historique du financement du privé qui génèrent toujours moins de mixité sociale et toujours plus d’enseignement à deux vitesses.
Depuis des années, SUD éducation 13 dénonce la dégradation des moyens donnés aux écoles, collèges, lycées publics tout autant que les fondements idéologiques des 6 derniers ministres en poste depuis l'ère Macron :
- lycées sortis de la carte de l'éducation prioritaire,
- la baisse des dotations de moyens en vie scolaire,
- la pénurie désormais chronique de recrutement d'AESH, d'enseignantEs qui augmente la précarisation des professionnelLEs (recours massifs aux CDD sous-payés)
- le renforcement d'une école du tri social et scolaire avec les réformes "choc des savoirs", la mise en place des groupes de niveaux, la contractualisation des moyens (mesures "Pacte", "Marseille en grand"...), la généralisation des évaluations normalisantes et stigmatisantes des élèves
- les processus d'orientations qui maintiennent la reproduction sociale et empêchent les élèves des quartiers prioritaires d'accéder à de véritables choix de parcours scolaires (cf: Parcoursup, réforme des lycées professionnels, sélection des élèves à l'entrée de la cité scolaire internationale Jacques Chirac)
Toutes ces mesures n’ont fait que renforcer les tensions au sein des établissements scolaires.
Depuis des années, SUD éducation 13 constate et dénonce certains discours réactionnaires, traditionalistes, autoritaristes, qui se diffusent en salle des profEs autant que dans la société et qui participe à la dégradation de nos relations avec les jeunes et avec les familles qui peuvent se sentir stigmatiséEs par les dogmes d'une culture scolaire élitiste et bourgeoise.
Nous dénonçons également les discours sécuritaires émanant des médias, de notre institution concernant des élèves qu'il faudrait "remettre dans le droit chemin" par une réponse uniquement répressive : présences policières accrues, sécurisation à outrance dans les établissements scolaires (caméras, contrôles...), menaces de sanctions aux parents.
De la même façon, comment peut-on sérieusement croire que des seuls cours d'empathie suffiraient à entériner certains phénomènes de délinquances et de violences dans les quartiers populaires où nous travaillons?
Comment peut-on sérieusement penser que des jeunes en errance totale, car exfiltréEs de l'école, stigmatiséEs par leur origine sociale, leur identité, leur couleur de peau, leur lieu de vie puissent retrouver le "chemin" de l'école alors que celle-ci ne témoigne que trop peu d'une volonté de les accompagner, de les inclure, ou même d'établir un vrai dialogue.
Quels moyens sont aujourd'hui mis sur la table, dans une ville comme Marseille, pour garantir à tousTEs les enfants, à tousTEs les jeunes
- une école publique gratuite, émancipatrice et de qualité ?
- une médecine de prévention et de proximité ?
- une justice qui garantit la protection des enfants ?
- une politique de la ville et des quartiers qui permette des transports adaptés, des logements dignes, des écoles sans cafards, sans rats ni punaises de lit, des collèges sans amiante, sans plafonds qui tombent, sans inondations dès qu'il pleut, des lycées accessibles aux enfants handicapéEs, des activités de culture, sportives, et de loisirs pour tousTEs?
SUD éducation 13 va demander la réunion d’une F3SCT (Formation Spécialisée en matière de Santé, de Sécurité et de Conditions de Travail)
exceptionnelle, non seulement sur la question de la sécurisation des établissements scolaires mais plus largement sur le sujet du climat dans les établissements scolaires afin qu’une enquête soit réalisée. Nous y porterons nos revendications pour un plan d'urgence pour les écoles, collèges et lycées de Marseille, comme sur tout le territoire des Bouches du Rhône que nous continuons de porter.
SUD éducation 13 rappelle que les moyens mis à l'école publique pour toutes et tous doivent rester une priorité constante de tous les décideurs dans et autour de l'école.
Nos revendications pour un plan d’urgence :
- La baisse du nombre d’élèves par classe, pour nos conditions de travail et les conditions d’études de nos élèves.
- La création d’un statut pour les AESH, indispensable pour combattre la précarité et construire une école vraiment inclusive.
- L’augmentation des salaires, indispensable pour renforcer l’attractivité des métiers de l’éducation.
- La refonte de la carte de l’éducation prioritaire avec le retour des lycées et l’augmentation de ses moyens.
- L’arrêt du financement de l’école privée avec de l’argent public.
Plus particulièrement, à Marseille, nous avons besoin dans les quartiers prioritaires :
- du temps de formation, de concertation des équipes enseignantes et non-enseignantes (personnels AESH, AED, personnels médicaux et sociaux).
- Une médecine scolaire et de prévention à la hauteur des besoins.
- La réintégration des lycées dans la carte de l'éducation prioritaire.
- La mise en place, par des moyens augmentés, d'une réflexion sur la formation initiale et la formation continue, d'une pédagogie émancipatrice pour tousTEs, dans laquelle la parole des jeunes est prise en compte, la professionnalité des enseignantEs repensée, et l'exigence pour chacunE une priorité.
- La création d'un statut d'AED et d'AESH, personnels qui ne sont pas des variables d'ajustement du parcours éducatif des jeunes mais des membres essentiels des équipes ayant droit à une formation, à la stabilité et à de la reconnaissance, pour leur dignité propre et la bonne tenue de leurs missions.
- La mise en place d'espaces d'échanges de dialogue, de soins, pour les personnels comme pour les élèves dès qu'une situation problématique apparaît à l'école.
- La revalorisation des partenaires de l'école, associations de parentEs, de quartier, éducateurs-trices, qui sont certes présentEs dans les instances dites participatives (conseils de classe, conseils de discipline etc...) mais n'ont pas de pouvoir d'agir et sont rarement considéréEs comme des interlocuteurs-trices valables par l'école.
- L'abrogation de la loi de 2004, et de la circulaire sur le port de l'abaya à l'école, mesures que nous considérons comme stigmatisantes, islamophobes et renforçatrices du racisme systémique ambiant.