Le programme du CNR (conseil national de la résistance) nous proposait en 1945 des « Jours heureux » avec, entre autres, un système de retraites par répartition parmi les plus protecteurs, permettant à la fois la solidarité générationnelle et le progrès social. Le gouvernement actuel ne nous promet que des « larmes et du sang », ouvre notre système à la capitalisation et laisse entrevoir un recul social sans précédent. Extrait du journal départemental - L'Ecole de la Lutte ! #7
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N’entrons pas ici dans l’analyse technique de cette contre-réforme, tout le monde sait que cette dernière n’est en rien essentielle pour soi-disant « sauver notre système déficitaire » et rétablir « plus de justice sociale ». Tout le monde sait aussi qu’il existe de multiples solutions, souvent très efficaces, pour résoudre la question des déficits qui par ailleurs ne menacent nullement la pérennité de notre système.
Alors quoi ? Pourquoi programmer coûte-que-coûte cette réforme rejetée à 80 % par l’opinion publique ?
Parce qu’en fait cette réforme n’est que purement idéologique. Il s’agit ici de donner des garanties au marché et aux agences de notation, ainsi que de répondre aux exigences d’une Union européenne qui juge notre système trop social. Il s’agit aussi de booster les complémentaires retraites afin de glisser en douceur vers un système par capitalisation qui deviendra nécessaire dans quelques années si l’on continue ainsi. Il s’agit en définitive d’en finir avec l’Etat-providence pour entrer pleinement dans un Etat néolibéral désentravé de la protection sociale.
Avec cette contre-réforme des retraites, le gouvernement nous oblige donc à répondre à une question centrale : dans quelle société voulons-nous vivre ?
Une société qui renforce les inégalités sociales ? L’augmentation du temps de travail frappe de plein fouet les catégories populaires : l’espérance de vie des 5 % les plus pauvres est inférieure de 13 ans à celle des 5 % les plus aisés chez les hommes et de 8 ans chez les femmes.
Une société de plus en plus précarisée ? La réforme va allonger la période de précarité car de nombreux seniorEs alternent déjà chômage et inactivité entre sortie du marché du travail et retraite.
Une société où l’espérance de vie recule ? Les gains d’espérance de vie à 60 ans décélèrent avec une progression depuis 2014 de 0,2 an par décennie pour les femmes et 0,6 an pour les hommes contre 1,5 à 2 ans par décennie avant.
Une société dans laquelle les séniorEs vivent dans la misère ? Alors que la part des retraitéEs dans la population s’accroît, refuser d’augmenter la part de la richesse produite qui leur revient signifie programmer leur appauvrissement.
Mais plus que tout, une société dans laquelle il faudrait vivre pour travailler ou travailler pour vivre ?
Face à cette attaque idéologique, nos réponses doivent l’être aussi.
Nous devons réclamer une répartition plus équitable des richesses. C’est un choix de société : renforcer un système public de retraite, c’est opposer à l’impératif de rentabilité et d’individualisme celui de l’émancipation, de la justice et de la solidarité.
Pour cela, il est urgent d’augmenter les salaires et d’instaurer l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes. C’est une question de justice sociale puisque le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits s’est déformé en faveur des profits depuis les années 1980.
Pour cela il est nécessaire de réduire le temps de travail avec un retour à la retraite à 60 ans afin de travailler moins, et mieux, pour travailler toutes et tous. La réduction du temps de travail a longtemps caractérisé le progrès social. Le progrès passe également par des droits nouveaux accordés aux salariéEs pour participer au choix et à la réorientation de la production et à l’amélioration des conditions de travail.
Pour cela il est temps d’activer le levier de la hausse des cotisations vieillesse pour équilibrer le système de retraites. Cette hausse doit être prise en charge en grande partie par les employeurs et participer ainsi d’une augmentation des salaires.
Vous l’aurez compris, la mobilisation qui nous attend risque d’être longue car il ne s’agit pas seulement de dénoncer une réforme inique pour faire reculer le gouvernement. Il va nous falloir aussi porter des revendications sociales bien plus larges parce que de « cette société là, on n’en veut pas ! »
e[extrait] Journal départemental - mars 2023
Cet article est un extrait du journal départemental de SUD éducation 13 de mars 2023 - L'Ecole de la Lutte ! #7 : Regagnons les jours heureux.
L’Ecole de la Lutte ! – Regagnons les jours heureux | #7 – mars 2023